dimanche 20 juillet 2008

Ernest DE ST-PRIX : Nouveau Système de Barrage

NOUVEAU SYSTEME DE BARRAGE ou DRAINAGE DES RIVIÈRES
Ernest de Soubeyran de Saint-Prix
ALGER IMPRIMERIE CENTRALE. - E. GARAUDEL RUE BOCCHUS, I
JUIN 1869

DE BARRAGE OU DRAINAGE DES RIVIÈRESNOUVEAU SYSTÈME
Ernest de SOUBEYRAN de SAINT-PRIX
ALGER IMPRIMERIE CENTRALE. - E. GARAUDEL RUE BOCCHUS, 1
JUIN 1869

À NOS LECTEURS ALGÉRIENS
Nos cultivateurs européens et indigènes sont unanimes à demander des eaux et des arrosages. Tous en savent la puis­sance sur la production. Nous présentons un nouveau système de barrage qui répond à ce désideratum de l'agriculture algérienne.

Le but poursuivi est celui-ci :
Augmenter, doubler même, le volume des eaux d'irrigation dont l'art hydraulique a disposé jusqu'ici, et produire l'eau à bon marché.
Notre système remplit-il le but? Une expérience personnelle de trente ans nous en donne la certitude. Nos lecteurs verront si c'est une illusion, ou une vérité.
Notre système s'applique partout. En le publiant ici, pour la première fois, nous payons une dette d'affection à l'Algérie où l'un de nous habite depuis longues années. D'ailleurs, la colo­nie est mieux préparée par les nécessités du climat à en comprendre l'utilité, et les circonstances meilleures à son applica­tion.
En France, l'appropriation privée des cours d'eau non flot­tables et le morcellement excessif du sol créent des obstacles à l'exécution des canaux de notre système.
En Algérie, ces difficultés n'existent pas. Les eaux font partie du domaine de l'Etat. Le Gouvernement algérien est le Moulé saâ de la question. Son assentiment obtenu, tout obstacle est levé et l'initiative particulière libre d'agir. Reste la lutte contre la nature ; ce n'est rien avec les engins et les res­sources que la science a mis à la disposition de l'homme.
A ce point de vue, il nous a paru convenable de saisir, d'abord. l'autorité supérieure de notre travail. Dès le 25 avril, nous avons eu l'honneur de l'adresser à M. le Gouverneur gé­néral.
Nous appelons, aujourd'hui, le public, juge souverain de ses propres intérêts, à prononcer sur le mérite de notre projet.
Une idée nouvelle, aussi simple qu'elle soit, ne devient fé­conde qu'au grand jour de la publicité; un progrès ne s'accom­plit, ne fait sa place au soleil que porté par l'opinion, et cela est vrai, surtout, des faits économiques.
Nous disons à nos concitoyens, aux sociétés d'agriculture, à tous les organes du pays :
Voici notre système.
Au fond, il y a une grande question d'avenir et de fortune pour l'Algérie. Sa mise en oeuvre générale peut faire de cha­cune de nos plaines un immense jardin, une contrée de riches cultures, comme la Huerta de Valence.
A vous, de l'examiner, de l'apprécier, et, si vous partagez nos vues et nos espérances, d'aider à son succès, d'en assurer les avantages à nos trois provinces, en lui prêtant l'appui, la force toute-puissante de l'opinion publique ;
Voyez et jugez.
Alger, le 15 juin 1869.
LES AUTEURS.

NOUVEAU SYSTEME DE BARRAGE OU DRAINAGE DES RIVIÈRES

La question des eaux intéresse vivement l'Algérie.
Au point de vue de son avenir économique, c'est un intérêt, sinon vital, du moins de premier ordre.
Partout les eaux, par leurs usages variés et nombreux, par leur utilité incontestable en agriculture et en industrie, déve­loppent largement le travail et la richesse publique.
Sous notre climat, inondé de soleil, plus qu'en France, les eaux ont une influence marquée sur la fécondité du sol. comme dans tous les pays chauds, elles sont l'agent le plus énergique de la production agricole.
Le Gouvernement le comprend très bien. Les barrages en­trepris, les divers projets à l'étude, les dépenses considérables, faites ou prévues, celles affectées aux travaux en cours, attes­tent sa sollicitude persévérante pour ce grand intérêt.
Du reste, l'initiative individuelle est ici impuissante ; elle ne saurait agir directement, faire par elle-même. Le concours de l'Administration est indispensable, car la loi de 1851 attribue exclusivement la propriété des eaux au domaine public.
Il appartient donc au Gouvernement Algérien d'apprécier les vues nouvelles que nous avons à présenter, d'en assurer, ou, au moins, d'en autoriser l'application.
Ses précédents nous font espérer sa bienveillante attention, et l'utilité du but un examen sérieux de nos idées qui, originales dans leur point de départ., sont essentiellement pratiques.
Une importance exceptionnelle s'attache aux procédés ar­tificiels au moyen desquels nous proposons, non-seulement de reproduire, mais encore d'augmenter l'action bienfaisante des rivières et des sources.
Le système dont nous allons parler réalise ce double avantage.
Sa simplicité en rend l'application facile, générale, écono­mique.
Quoique nouveau, il ne présente aucune difficulté d'exécu­tion comparable aux travaux d'art des barrages ordinaires, et surtout des barrages-réservoirs en projet.
Notre système peut s'appliquer partout, aux plus petits ruisseaux comme aux rivières, aux cours d'eau du Sud comme à ceux du Tell.
Suivant nos données, ce système doublera le débit des cours d'eau où il sera pratiqué.
Après avoir reconnu la certitude de sa base, la facilité du travail et les avantages de son application, on s'étonnera, peut-être, que l'art hydraulique n'en ait pas doté, depuis longtemps, la France et l'Algérie.
Voici notre système, son principe, sa mise en oeuvre, ses avantages et sa justification par l'expérience.

Principe du système.

Notre système, avons-nous dit, est simple et d'une applica­tion facile.
Il est simple; car il repose sur une loi naturelle, sur un fait bien établi, incontestable.
Ce fait est celui-ci :
Toute rivière, tout ruisseau même, a deux courants d'eau. L'un supérieur, visible, où, de temps immémorial, les ca­naux de dérivation empruntent leurs eaux.
L'autre inférieur, eu sous-sol, caché dans l'épaisseur de l'alluvion de cailloux et graviers qui forme le lit de chaque ri­vière.
C'est une nappe souterraine qui écoule les eaux infiltrées à travers les couches éminemment perméables de la surface du lit.
Cette nappe marche lentement par rapport au courant su­périeur. Elle circule, dans les couches de graviers, par des tubes capillaires, par des méandres sans nombre : mais elle marche d'une manière continue. La pente générale du sol règle sa vitesse.
Cette nappe s'étend sous le lit entier de la rivière et même un peu en dehors, suivant la perméabilité du sol riverain.
Son débit principal correspond au fond de la cuvette du lit. C'est la conséquence du rapport de, parallélisme entre le fond et la surface, et c'est l'effet de la loi dynamique.
Il correspond aussi au centre de la direction des courants principaux, parce que les infiltrations sont en rapport avec le volume des eaux qui passent sur la couche supérieure.
Les eaux inférieures ne baissent, ni ne s'accroissent propor­tionnellement aux eaux supérieures. Leur débit gravite autour d'une moyenne sans écart sensible, et il résiste à de longues sécheresses.
La filtration des eaux, commencée au premier filet tombé des montagnes, continue sans cesse et va croissant avec la longueur et la surface des rivières. Elle en remplit les gra­viers : les pluies et les courants supérieurs les entretiennent dans leur plénitude.
Il en est ainsi, car les lois hydrostatiques ne permettent pas d'admettre que les eaux circulent à la surface, tant que la couche perméable de l'alluvion n'est pas saturée d'eau.
Le lit forme donc un réservoir naturel, et ce réservoir a toute la longueur de la rivière.
Sans nul doute, les projets de bassins-réservoirs sont une conception grandiose et féconde. Tout dispendieux qu'ils soient, leur exécution est désirable ; l'intérêt agricole les jus­tifie.
Mais il ne serait pas moins avantageux d'utiliser, d'abord, les réservoirs naturels des rivières. Cette entreprise, relativement peu chère, enrichirait l'agriculture algérienne d'eaux très-abondantes et absolument perdues pour la production. Notre système en donne le moyen.
Les eaux souterraines sont claires et limpides comme des eaux de source, auxquelles elles participent par leurs qualités et par l'analogie de leur origine ; plus saines encore, parce-qu'elles sont plus chargées d'air atmosphérique.
Ces eaux du sous-sol échappent au trouble et à l'agitation de la surface. Leur limpidité n'est jamais altérée. Une expé­rience de 30 ans nous en a donné une preuve sans réplique.
Ces eaux conviennent admirablement à l'usage de l'homme et, mieux que toute autre, à la consommation des villes.
Maintenant, quelle est la proportion des eaux infiltrées ? Quel est le débit de la nappe souterraine par rapport au volume du courant supérieur ? y a-t-il, même, un rapport entr'eux ?
Ici, il n'existe, à notre connaissance, aucune observation, ni aucune donnée scientifique.
La question est neuve.
Nous avons une opinion personnelle ; elle s'appuie sur un exemple, celui d'un canal souterrain que nous avons construit, dans une rivière torrentueuse de la Drôme, la Teysonne.
Ce fait vaut mieux qu'une théorie.
La nappe inférieure nous donne une quantité d'eau à peu près égale à celle de la surface, estimée sur son volume ordi­naire. Son débit continue, sans diminuer sensiblement, quand l'eau ne coule plus sur la couche supérieure, et qu'elle est ab­sorbée par les arrosages, en amont de notre prise.
Telle est notre expérience particulière.
Rien, dans les principes de l'hydraulique, n'autorise à la regarder comme une exception ; au contraire, l'examen de la question permet de la considérer comme un fait ordinaire.
Sans doute, la proportion des eaux souterraines varie, dans chaque rivière, suivant la nature du sol de l'alluvion, son degré de perméabilité et l'étendue des surfaces filtrantes.
Toutefois, la variation nous paraît dépendre très-peu de l'espèce minérale des roches (cailloux et sables) qui composent l'alluvion du lit. Les graviers, qu'elle que soit leur espèce, se ressemblent par leurs formes arrondies et par leur aggloméra­tion mécanique. Leur perméabilité ne peut différer beaucoup.
Leur grosseur aurait plus d'influence, mais la nature agit d'une manière analogue dans toutes les rivières. Les gros ma­tériaux se déposent au pied des montagnes, à la naissance des cours d'eau. Puis viennent les graviers ; plus bas, les sables. Les limons plus légers sont incessamment balayés et .rejetés aux embouchures.
Dans les plaines où les lits s'élargissent, où la vitesse décroît avec la pente et avec des matériaux plus petits, la section d'é­coulement augmente.
Il n'y a, dans ces circonstances, aucune cause importante d'inégalité relative.
La dépense comparative des rivières, à leur surface, ne donne pas non plus la mesure proportionnelle de leurs eaux souterraines.
Loin de là. Ces eaux, nulle part, ne sauraient se mesurer au débit des courants extérieurs. Il y a trop d'inconnu entre les deux termes. La différence de vitesse, à la surface et au fond, produit des effets très-divers et rend impossible toute compa­raison. L'évaporation, active à la surface, est presque nulle au-dessous.
Dans l'état actuel des observations, il faut se contenter d'une appréciation générale, et la chercher dans les faits natu­rels, constatés par la science.
De ce nombre est celui-ci :
Le lit d'une rivière est un véritable filtre, et c'est le thal­weg de son bassin.
Le lit absorbe donc, et absorbe sans cesse, toutes les eaux qu'il peut contenir.
Les moindres pluies et sources de son bassin s'y réunissent et concourrent à le remplir.
C'est une vérité, en hydraulique, que les rivières établissent leur lit en rapport avec leur volume, et leur vitesse.
Les dimensions du lit ont donc une corrélation naturelle avec le volume de ses eaux. Peut-être, est-ce, jusqu'ici, le seul point de repère un peu sûr, la seule donnée d'une évaluation un peu sérieuse.
La vitesse qui forme aussi le lit dessèche, en été, les rivières torrentueuses.
Elle ne tarit par leur nappe souterraine. Celle-ci n'est pas dans les mêmes conditions ; elle s'écoule lentement à l'abri des vents et du soleil, sans évaporation.
Son débit s'alimente dans un réservoir qui a toute l'étendue de la rivière, et le réservoir s'alimente de toutes les eaux ad­ventives, de tous les filets cachés ou apparents qui circulent dans le périmètre de son bassin.
Il se produit donc ce fait :
La rivière, à sec, conserve tout son débit souterrain.
Le plus souvent, les pluies et sources de son bassin compensent les pertes de sa filtration. Si elles ne suffisent pas, le débit continue encore jusqu'à épuisement du réservoir, et assez pour arriver de la saison sèche à la saison pluvieuse où le lit se remplit de nouveau.
Dans notre exemple personnel, dix-huit mois sans pluies, en 1867 et 1868, ont réduit notre canal d'un quart environ.
En Algérie, le fait que nous signalons est très-saillant.
La plupart des rivières n'ont pas, ou ont peu d'eau à leur surface, pendant quatre on cinq mois de l'année. Néanmoins, n'importe la saison, aux abords de la mer, les eaux sourdent en masse et versent sur la plage des quantités hors de proportion avec leur débit apparent.
Il en est de même des moindres courants d'eau et des simples ravins. Pour s'en convaincre, il suffit d'une promenade le long de la mer.
Les oueds du Sud n'ont jamais d'eau à leur surface, si ce n'est pendant quelques jours d'hiver, après des orages. Elle ne manque pas cependant dans leurs graviers. Les Arabes le sa­vent bien ; ils creusent la plupart de leurs puits dans le lit même des oueds.
Le phénomène que nous constatons au bord de la mer se re­produit partout où une dépression brusque du sol, dans le plan d'écoulement, permet aux eaux inférieures de sortir et de couler à ciel ouvert.
Prenons des exemples autour de nous :
Vers la fin de l'été, l'Harrach, au-dessus de la ferme Modèle, le Mazafran, dans la plaine, ont à peine quelques filets d'eau, pris, la plupart, par les arrosages, au pied de l'Atlas. Cepen­dant, à leur embouchure, les eaux abondent.
D'où viennent-elles, si ce n'est des nappes inférieures, puis­qu'il n'en coule plus sur leurs lits?
A la mer, leurs courants jaugent, pour le Mazafran, près de deux mètres cubes par seconde ; pour l'Harrach, plus d'un mètre.
Est-ce là tout le volume de leurs eaux souterraines? Nous ne le croyons pas. Une partie passe à travers les sables de la plage, et n'est ni visible, ni jaugeable. Une autre partie, sui­vant les probabilités, rencontre dans le cours supérieur, des couches perméables, s'échappe et contribue à former et à entre­tenir les marais du bas de la plaine.
En prenant, comme mesure de leurs nappes inférieures, les eaux versées à la mer, vers la fin de l'été, on reconnaît com­bien il est important de les capter et d'en faire profiter l'agri­culture de la Mitidja.
Peut-être, en tenant compte de la superficie d'un bassin, de la moyenne des pluies, de leur évaporation, de leur infiltration générale, de la quantité proportionnelle qui va à la rivière, le calcul pourrait donner un chiffre approximatif du débit supé­rieur et inférieur.
Par exemple, les diverses rivières de la Mitidja ont, en­semble, des bassins d'une superficie de deux cent cinquante mille hectares. D'après la moyenne des pluies, comptée à huit cents millimètres, deux milliards de mètres cubes d'eau tom­bent, chaque année, dans leur périmètre. Si les rivières en reçoivent le quart, c'est cinq cent millions de mètres cubes qu'elles écoulent. Combien les courants supérieurs? Combien les nappes inférieures?
Les théories sur les phénomènes compliqués de la nature ne sont, pour ainsi dire, que des présomptions, jusqu'au mo­ment où leur vérification par les faits leur donne rang de vé­rités acquises à l'esprit humain.
Les recherches de ce genre n'ont donc pas assez de bases et trop d'hypothèses pour songer à s'en servir.
Plus tard, quand une série d'observations sur une série de canaux de notre système auront fourni des jalons, la science pourra dégager cet inconnu.
Jusques-là, nul ne peut dire, a priori, ce que débite la nappe inférieure d'une rivière, mais il nous suffit de savoir que les eaux souterraines sont abondantes, pour que l'intérêt public ait souci de les recueillir et de les utiliser.

Application du système.

Il s'agit de les prendre :
Notre système de canalisation y pourvoit.
Notre système se compose d'un canal en deux parties. Nous appellerons la première, le canal en rivière ; la seconde, le ca­nal de sortie.
LE CANAL EN RIVIERE. - Notre solution est facile, avons‑nous dit.
En effet, pour prendre les eaux souterraines, il suffit d'un canal transversal, dans l'épaisseur du lit de la rivière, descen­dant au fond de la cuvette.
Ce canal, construit avec un mur étanche en aval, et un mur filtrant en amont, formera un barrage continu, arrêtera le cours de la nappe inférieure et en recueillera toutes les eaux.
Le canal doit être voûté, et le sommet de la voûte arrêté à un ou deux mètres de la surface de la rivière. Plus bas, l'ou­vrage n'en sera que mieux garanti.
Dans nos travaux, il est à un mètre, et il n'y a pas eu d'in­convénient.
On verra, du reste, pour chaque rivière, ce que la prudence commande, et ce que le danger des affouillements impose de précaution.
Ce danger n'est pas grand, à nos yeux.
Les affouillements sont dus à la rencontre de quelqu'obsta­cle qui barre, ou rétrécit le passage de l'eau, tels que roche, digue, pont.
Une remarque est à faire à ce sujet : Le fond résiste mieux à l'action des eaux que les berges; tandis que l'action de la pe­santeur concourt à l'éboulement des berges, cette même force presse les matières plus résistantes du lit, et cette pression, qui accroît le frottement, rend leur déplacement plus difficile.
Avec un choix judicieux de l'emplacement, pas d'affouille­ments à craindre.
Pour écarter tout risque, il faut simplement construire le canal sur un point où le régime de la rivière soit établi et libre de tout obstacle, de préférence, sur un point où le lit soit largement ouvert.
La section du canal sera déterminée par le volume présumé des eaux. Rarement, en Algérie, sa largeur dépassera un mètre dans oeuvre.
Quant à la hauteur, on donnera celle qu'on voudra, pourvu que la voûte reste à deux mètres au-dessous de la surface du lit.
La sonde indiquera la profondeur où le canal devra descen­dre, profondeur un peu variable et qui sera moindre au pied des montagnes.
Les sondages et les ponts exécutés par les ingénieurs du Chemin de fer, sur la ligne d'Alger à Oran, nous ont appris que les rivières, traversées par la voie ferrée, ont des lits d'une puissance à peu près égale.
L'épaisseur de leur alluvion est d'environ sept mètres. Elle se rapproche beaucoup de celle signalée, en France, dans plu­sieurs rivières. La Durance, à Pertuis, a 6 mètres. -
Notre Chemin de fer passant dans les plaines, on peut con­sidérer ce chiffre plutôt comme un maximum qu'une moyenne.
D'après ces observations, faites sur une grande échelle, il est admissible qu'en Algérie il faudra descendre les canaux en rivière à sept mètres, au plus.
Cette dernière condition, celle de descendre au fond de la cuvette, nous paraît très-importante. Sans cela, le canal lais­serait échapper une partie notable de la nappe ; dans les sé­cheresses surtout, où les eaux plus rares tendent, par la force de la gravité, à se réunir au fond du lit, en petits courants.
Les entrepreneurs le savent par expérience. Quand ils construisent des ponts, il leur arrive souvent que les fouilles des piles, sur une partie de la rivière, marchent sans encom­bre; puis, sur une autre partie, leurs travaux sont inondés.
Ce fait, très-fréquent en Algérie, prouve l'existence de cou­rants souterrains et justifie notre recommandation.
Ce canal pourra être construit avec un double déversoir, si l'on veut distribuer les eaux sur les deux rives. En ce cas, chaque bord aurait son canal de sortie.
CANAL DU SORTIR. - L'objectif du canal de sortie est de rache­ter la différence de niveau du canal en rivière et d'en faire dé­boucher les eaux sur le sol .
Ce canal, partant de zéro, avec une pente, parfaitement suf­fisante, (l'un quart de millimètre, aura une longueur variable et qui dépendra de la déclivité générale du terrain. On peut compter sur un kilomètre, en moyenne.
Sur son parcours, ce canal sera conduit en dehors et le long des bords de la rivière ; autant que possible, à l'abri des grandes crues, et, par économie, à ciel ouvert. •
Les portions submersibles pourront être couvertes ; la section s'embranchant et se retournant sur le canal en rivière, devra être voûtée ; et on y ménagera des regards pour sa surveillance et son entretien.
Un radier et des murs maçonnés seront généralement nécessaires, afin d'éviter les fuites, faciles à prévoir dans les terres meubles du bord des rivières.
Ainsi construit et complété, notre canal en rivière débiteranaturellement, éternellement, de l'eau abondante, pure et saine.Placé au-dessous de la rivière, il n'aura jamais à souffrir dutrouble et de la violence des eaux de la surface. Aucune cause
de destruction atmosphérique ne menacera son existence, n'al­.
térera sa solidité.

Mode d'exécution.

Quelques sondages, en travers du cours d'eau, et un coup de niveau sur son bord, donneront partout la profondeur et la longueur du canal.
L'établissement du double canal présente-t-il des diffi­cultés?
Le canal de sortie, placé en dehors de la rivière, n'en pré­sente aucune ; travail courant de terrassements, terrains aisés à ouvrir.
Le canal en rivière, fait par section et parachevé, représente moins de main-d'oeuvre, moins de constructions et moins de travaux d'art que l'établissement des seules fondations d'un pont.
L'art des ingénieurs ne sera pas arrêté. un seul instant, par les difficultés d'un tel ouvrage.
Le canal de sortie, construit d'abord, écoulera les eaux du canal en rivière, à mesure de son avancement, et le débaras­sera du principal obstacle à ce travail.
Nous avons bâti un canal de ce genre, en beton et en chaux hydraulique. Le mur étanche d'aval et la voûte sont eu beton, avec une épaisseur de cinquante centimètres. Le mur filtrant d'amont est eu pierres sèches.
Depuis sa création, il n'a nécessité aucune réparation.
Rien ne s'oppose à une construction semblable. C'est même la plus solide, la plus économique et, chose à considé­rer, la plus prompte.
Dans ce cas, les matériaux en pierrailles se trouvent sur place, et la dépense en maçonnerie se résume en frais de main-d'oeuvre et de chaux. Les gros matériaux, triés, servent au mur filtrant.
Les conditions de stabilité sont suffisantes ; car la pression horizontale est faible et, en grande partie, annihilée par la ré­sistance du fluide circulant dans le canal. La pression est surtout verticale, et s'opère de haut en bas, par le poids et le mouvement des eaux de la surface, et celle-ci a une action en­core plus faible sur les murs verticaux du canal.
Si l'on avait souci d'augmenter la force de résistance, si la section du canal dépassait un mètre, un parement de pierres artificielles en beton, avec des joints très-ouverts, et la fouille remplie, en arrière, des plus gros matériaux, donnerait au mur filtrant toute la stabilité désirable.
Nous indiquons ces moyens d'exécution, parce que nous les avons employés avec succès et parce qu'ils nous paraissent les plus simples et les moins chers. Mais nous concevons que les plans et coupes architecturales du canal, ainsi que les maté­riaux de construction soient variables et modifiables, suivant les circonstances et les lieux.
L'originalité et l'utilité de notre système consistent à éta­blir les galeries filtrantes, souterraines et transversales, des­tinées à appeler et recueillir les eaux du sous-sol, quelque soit, d'ailleurs, le système, — canal, machine hydraulique, à va­peur, à vent, etc. , — dont on pourra se servir pour les sortir de leur réservoir naturel.
Dépenses de construction.
La dépense des canaux de notre système est-elle hors de pro­portion avec leur utilité ? Est-elle de nature à faire renoncer à leur entreprise ?
Nous la croyons bien inférieure à celle des barrages ordi­naires, et tellement moindre que, par ce côté encore, notre sys­tème mérite l'attention publique.
Nous ne considérons pas ici ses avantages sous le rapport de la quantité et de la régularité des prises d'eau, ni de l'ac­croissement des eaux de dérivation, nous voulons seulement en évaluer la dépense métrique.
La section importante du canal, celle construite dans l'é­paisseur du lit, ne saurait dépasser le devis ordinaire des fon­dations d'un pont. Rien d'inconnu ou d'impossible à apprécier.
Nous avons étudié cette question avec des ingénieurs et des entrepreneurs, en vue de l'application de notre système au canal de Marseille ; nous avons supputé la dépense de notre propre canal, et voici le résultat de nos recherches et de nos calculs :
Une galerie filtrante, dans une rivière comme l'Harrach, l'Oued-Djemâ, la Chiffa, avec des fouilles de 7 mètres de pro­fondeur, 4 à 5 mètres de largeur, et une section bâtie d'un mètre au moins dans oeuvre, peut s'établir à mille francs par mètre courant.
Ce chiffre comprend l'imprévu et les risques de destruction des travaux par les grandes crues, durant l'exécution. Ce dernier risque, le seul à redouter, aggrave notablement le devis.
Le canal de sortie peut s'évaluer à une moyenne de 200 fr. par mètre courant, et jusqu'à 300 fr., suivant la nature et les difficultés du terrain à traverser.
La dépense relative diminuera dans les cours d'eau moins larges et moins abondants en eau, non pas seulement propor­tionnellement à la différence des dimensions de l'ouvrage. mais à cause de la plus grande facilité et de la plus grande sûreté du travail.
Si notre système était adopté, si son application prenait quelque développement, la dépense deviendrait moindre, parce que l'importance du travail permettrait aux entrepreneurs d'employer les appareils nouveaux dont dispose aujourd'hui l'art des constructions et, spécialement, d'exécuter les déblais par voie de dragages, c'est-à-dire, dans les conditions qui assurent la plus grande rapidité et la plus grande économie. La pioche du terrassier serait remplacée, pour les déblais à sec, par l'excavateur à vapeur, employé avec tant de succès au canal de Suez, et inventé par M. Couvreux, l'un des entrepreneurs.
Cet appareil que deux hommes, à la rigueur, suffisent à di­riger, en dix heures, ne donne pas moins de 1,800 mètres cubes de déblais, c'est-à-dire plus de deux cents fois le travail de l'ouvrier le plus habile.
En restant dans les conditions actuelles de main-d'oeuvre, un canal de notre système, sur l'Harrach ou l'Oued-Djemâ au-dessus de 1'Arbah, coûterait de trois à quatre cent mille francs et, suivant les probabilités, fournirait un débit quotidien de cinquante à soixante mille mètres cubes.
Sur ces prévisions modérées de dépense et de produit, cha­cun peut apprécier et comparer le bon marché des barrages souterrains.

Avantages du système.

Le premier avantage de notre système, le plus important, est d'augmenter les richesses hydrauliques, d'ajouter aux forces productrices, eu ce genre, de nouvelles forces, exis­tantes, mais perdues et sans emploi.
Un second avantage est de livrer à l'agriculture et à l'indus­trie ces nouvelles eaux, dans les conditions les plus favorables au travail, c'est-à-dire, avec un débit constant, régulier, à peu près égal en toute saison.
Notre canal n'est point une concurrence aux barrages or­dinaires, ni aux barrages-réservoirs. Il ne leur nuit pas, n'at­ténue pas leur débit ; il les complète.
Ceux-ci dérivent les eaux courantes ; notre galerie filtrante recueille les eaux que le vieux système laisse perdre au fond du lit et ne recherche pas.
De quelle quantité, les galeries filtrantes vont-elles accroître les eaux d'irrigation?
Sur cette question, la théorie ne nous apprend. rien ; l'obser­vation des faits va répondre.
Nous considérons les eaux versées à la mer, quand nos ri­vières sont à sec, comme le débit de leur nappe souterraine, et leur lit, comme un immense réservoir où s'emmagasinent les pluies, les courants et les sources de leur bassin .
Ces observations dont la vérité, n'échappera à qui voudra les examiner et y réfléchir, forment les bases de notre système et donnent les éléments pratiques de la question. Il n'y a, pour la science, qu'à les préciser par la mesure et le calcul mathé­matiques.
A notre avis, les eaux souterraines peuvent doubler, partout, les eaux d'arrosage, mais particulièrement en Algérie, où les rivières à pente très-déclive et à parcours restreint, tarissent rapidement.
Le débit continu, régulier de la nappe souterraine, tel qu'il paraît aux embouchures, égale ,au moins, s'il ne dépasse le débit temporaire des eaux courantes.
Une supposition va mieux fixer les idées et rendre plus sai­sissants les avantages de notre système : Dix galeries filtrantes sont établies sur dix cours d'eau principaux de la Mitidja. Leur construction coûte, d'après nos calculs, deux millions et demi à trois millions. Les dix galeries débitent ensemble six mètres cubes par seconde, à en juger par leurs courants à la mer, dans la saison sèche. C'est cinq cent mille mètres cubes par jour dont l'agriculture bénéficie.
Dans les jardins maraîchers du Hamma et d'Hussein-Dey, en été, les norias ne fournissent pas et les jardiniers n'em­ploient pas au-delà de vingt mètres cubes par hectare et par jour.
La moitié suffit aux cultures industrielles et plus rustiques de la plaine. Cela n'est pas douteux si les propriétaires créent des bassins pour réunir les eaux de leur concession et les lan­cer, en temps opportun, sur leurs terres.
A ce compte, les dix canaux arroseront cinquante mille hec­tares, dont le produit brut s'augmentera, d'après l'expérience et l'opinion algérienne. de cinq cents francs par hectare.
C'est un excédant de production de vingt-cinq millions par an, qui auront coûté trois millions en frais de premier établis­sement. Nous ne parlons pas des canaux de distribution qui sont une charge de tous les systèmes d'irrigation.
De pareils chiffres dispensent de tout commentaire. Chacun peut se rendre compte des résultats qui suivraient l'application en grand de notre système et de son influence sur la valeur des terres et la prospérité générale.
Ce n'est pas, d'ailleurs, tout ce qu'on peut demander au lit de ces rivières. Rien ne s'oppose à la construction de canaux semblables, en aval d'une première galerie filtrante. Il suffit de les distancer à 2 ou 3 kilomètres et (l'avoir assez de pente pour sortir et utiliser les eaux. Avec cette disposition, les riverains inférieurs auraient aussi leur prise et leurs arrosages. Quoi­qu'en moindre quantité, l'eau ne manquera pas.
Le lit des rivières, nous le répétons, est un immense re4er­voir. En coupant la nappe inférieure, on ne l'épuise pas ; on diminue son alimentation. Par le vide qu'elle fait, la première prise provoque, en aval, une infiltration plus active.
On conçoit même qu'une série de galeries filtrantes puissent dessécher une rivière coulant à plein bord.
Le réservoir se remplit donc par les eaux courantes, d'abord, par les pluies, par les affluents et les sources.
Les eaux, elles-mêmes, de la première galerie, ne sont pas entièrement perdues pour le lit, du moins celles qui ne s'en éloignent pas trop. De ces eaux servant aux arrosages, une partie s'évapore, une faible partie s'incorpore à la végétation, la plus grande s'infiltre, suit les couches naturelles du sol, in­clinées vers le thalweg du bassin qui est la rivière, et retourne ainsi dans le lit, d'où l'art humain peut la faire sortir de nou­veau.
Nous en parlons par expérience. Dans notre canal , les eaux augmentent an lendemain de l'arrosage des terres supérieures.
Un avantage, négatif, si l'on veut, mais à considérer, est celui-ci : Nos galeries souterraines, en provoquant la filtra­tion des eaux courantes, en les soutirant au fond, agrandissent, en réalité, la section d'écoulement de la rivière, et tendent à diminuer les effets des inondations, à réduire les risques d'a­varies par les grandes crues.
La science ne nous paraît pas avoir terni, jusqu'ici, un compte suffisant des eaux souterraines et de leur action destruc­tive sur les ouvrages hydrauliques. Leur action est lente, mais continue, et irrésistible avec le temps.
Les hydrographes constatent bien la ruine rapide des ou­vrages de ce genre, ils n'en rapportent pas assez la cause à ces eaux. Il n'y a pas, en France, 20 ponts qui datent de 400 ans, malgré la solidité exceptionnelle de ces monuments.
Les barrages, les réservoirs dont les fondations s'appuient sur le solide, sur le sol imperméable, coupent la nappe souter­raine, sans lui laisser d'issue. Les eaux du sous-sol ne remon­tent pas ; la pression atmosphérique s'y oppose.
Qu'arrive-t-il alors?
Ces eaux pénètrent dans le vide des pierres, sous leurs plu basses assises, tournent les maçonneries trop résistantes, atta­quent les terres, les détrempent, finissent par les entraîner en. partie et produisent par suite des vides sur les côtés, dessous et derrière les maçonneries. Des brèches partielles se fout, la terre s'éboule par tranches successives, les murs se déchaussent et l'ouvrage finit par se rompre et tomber en ruine.
D'autres causes plus apparentes agissent aussi; nous ne savons pas si celle-ci n'est pas la plus puissante.
Il est peu de désastres comparables à ceux que peut causer la rupture d'une digue de réservoir. Des millions de mètres cubes d'eau s'échappent tout-à-coup, avec une prodigieuse vitesse et portent la ruine et la désolation au milieu de populations qu'aucun phénomène n'a prévenues du danger qui les me­naçait.
L'Espagne en a eu plus d'un exemple, et elle en conserve de longs et tristes souvenirs.
On comprend dès-lors l'importance de travaux destinés àprotéger les barrages et les réservoirs contre l'effet destructeurdes eaux du sous-sol. C'est encore un côté utile de notre système,Rien de plus simple que de ménager une galerie filtrante dans
le bas des fondations d'un barrage ou d'un réservoir, d'y rece­voir les eaux souterraines et de leur donner une issue au dehors.
Avec cette précaution, le danger sera conjuré, la dépense ne sera pas sensiblement plus forte, et de nouvelles eaux seront acquises à la production . L'entreprise et le public y gagneront. Cet avantage, tout indirect qu'il soit, doit compter à l'avoir de notre système.
Enfin, notre système aura un autre avantage, .non moins précieux, quoique partiel. En beaucoup de lieux, dans les plaines, les eaux vives et de bonne qualité manquent. La santé des populations en souffre ; la fièvre les dévore . Les animaux eux-mêmes en pâtissent.
A ces eaux troubles et insalubres, nos canaux, sur tout leur parcours, vont substituer une eau claire, pure et saine. L'hy­giène agricole en sera meilleure.
Justification du système.
Les considérations et les idées que nous venons d'exposer ont un criterium dans une expérience personnelle, à laquelle nous avons fait allusion dans le courant de ce travail.
M..de St-Prix, l'un de nous, a construit, en 1840, pour arroser ses propriétés et le jardin de sou château, un canal fil­trant souterrain, dans le lit d'une rivière torrentueuse, appelée la Teyssonne, qui traverse les commune de Mirmande et de Saulce (Drôme).
Ce canal, depuis sa création, n'a pas cessé, une seule heure, de débiter une eau abondante, saine et limpide, et n'a :pas de­mandé le plus léger travail de réparation.
Cette galerie filtrante coupe perpendiculairement le lit de la rivière, dont la largeur, sur ce point, est d'environ 20 mètres.
Des nécessités de niveau n'ont pas permis de la descendre au fond de la cuvette. Elle s'arrête à 3 mètres de la surface, et la sommet de la voûte, à un mètre.
Un conduit de 1900 mètres, tracé, en partie, sur les flancs d'une colline, porte les eaux à destination.
Un second canal filtrant, à 100 mètres au-dessous, a été creusé dans la même rivière, pour recueillir les eaux échap­pées au premier. Ce second canal ne va pas non plus, au fond du lit, toujours par des motifs de niveau Il descend à 3 m . 50c. de la surface, 50 centimètres plus bas que le premier.
A son origine, il ne traversait pas le lit. Le droit du cons­tructeur, restreint à la mitoyenneté de la rivière, ne l'avait pas permis. Ce droit acquis depuis, M. Bérard, l'un de nous, propriétaire du second canal, a profité de la sécheresse de l'été de 1868, pour le continuer et le prolonger jusqu'à l'autre bord. Le succès a répondu à ses espérances ; les eaux out augmenté dans une forte proportion .
Les deux canaux débitent aujourd'hui un volume d'eau égal, au moins, au volume moyen de la Teyssonne. Encore faut-il remarquer que, ne plongeant pas au fond de la cuvette, ils laissent, l'un et l'autre, échapper une partie de la nappe in­férieure, la plus basse et, sans doute, la plus importante.
La vallée du Rhône a éprouvé une sécheresse exceptionnelle d'avril 1867 à l'équinoxe de septembre 1868. Dans cet inter­valle, il n'y a pas eu, pour ainsi dire, de pluies. Les fontaines et les puits étaient à sec. Des villages du bas Dauphiné, situés dans des vallons et sur des côteaux abondants en sources, allaient, tout l'été dernier, chercher, sur des charrettes, l'eau au Rhône. De temps immémorial, cela ne s'était vu.
Nos deux canaux filtrants eut résisté à cette longue sécheresse. Il se sont maintenus dans leur plein jusqu'au printemps de 1868 et n'ont baissé qu'aux ou 5 derniers mois. Leur dimi­nution n'a pas dépassé un quart, en tenant compte des fuites ac­cidentelles, causées par la sécheresse elle-même. A la:première ondée d'automne, les deux canaux ont coulé comme d'habitude.
A la saison chaude, la Teyssonne n'a plus d'eaux courantes ; elles sont prises et servent aux arrosages, en amont de nos ga­leries. Il a été fait, à ce sujet, une observation de quelque inté­rêt : A certain jour de la semaine, il se produit une augmenta­tion des eaux. Cette augmentation correspond aux jours d'ar­rosages du dessus, et en représente l'infiltration.
Ces deux galeries filtrantes sont, à nos yeux, la solution pratique de la question des eaux souterraines et la justification expérimentale de notre système.
Un examen d'une heure sur les lieux en apprendrait plus à ce sujet que toutes les théories.
Le système est nouveau.
L'abbé Paramel a signalé, quelque part, notre canal comme le plus beau travail hydraulique du midi de la France. Cela doit s'entendre, non de la grandeur de l'oeuvre et de la dépense qui est un luxe de fortune publique, mais du procédé de cana­lisation dont l'emploi et la réussite font le mérite de notre travail.
On aurait pu dire le plus original, car notre idée est neuve. Nulle part, en dehors de notre expérience particulière, elle n'a été appliquée.
Voici les seuls travaux à notre connaissance, qui aient quel-qu'analogie avec notre système :
Vers 1830, M. d'Aubuisson, un savant Ingénieur, chargé de la distribution des eaux de Toulouse, a établi, le long de la Garonne, une galerie perméable en pierres sèches, destinée à appeler, épurer et recevoir les eaux de la rivière, après leur avoir fait traverser une couche filtrante. Cette galerie distribue 4000 mètres cubes par jour.
En 1853, à Lyon, une galerie perméable, fondée sur le même principe, mais très-supérieure par l'exécution, a été construite le long da Rhône . Cette galerie fournit un demi-mètre cube par seconde, environ 40,000 mètres cubes par jour A Lyon comme à Toulouse, des machines élévatoires montent les eaux. Depuis, un canal semblable a été construit à Angers.
Sur la Scrivia, en Italie, existe une galerie du même genre qui alimente Gênes. C'est également le principe du projet ré­cent des eaux de Nimes. Un canal filtrant, le long du Rhône, doit les recevoir ; des machines à vapeur, les élever.
Ce genre de galeries se rapproche du nôtre, il ne se confond
pas avec lui, au contraire, ils s'en distingue très-bien. Les deux systèmes ne poursuivent ni le même résultat, ni ne se fondent sur le même principe.
En creusant des galeries perméables le long de certains cours d'eau, on veut obtenir un liquide limpide par la filtration des couches de graviers qui se trouvent entre les galeries et les cours d'eau. On entend dériver les eaux de la rivière et les re­cueillir pures, en les forçant à traverser une couche filtrante.
Le succès de ces filtres naturels n'est assuré que si l'on pos­sède une certaine vitesse le long de la surface filtrante, et que si la vase de l'eau filtrée peut être entraînée par celle qui ne l'est pas.
Notre système ne demande rien aux eaux courantes ; il ne veut ni les dériver, ni changer leur régime. Son but est de capter, canaliser et utiliser les eaux souterraines des rivières, eaux perdues jusqu'ici, et qui existent limpides et abandantes dans le lit de tous les cours d'eau.
Les deux galeries diffèrent en ceci :
Celle de Toulouse et Lyon est un procédé de filtrage, eu grand, des eaux courantes des rivières ; la nôtre, un drainage, en grand, de leur nappe inférieure.
Notre système ne se présente pas au public tout-à-fait sans précédent, ni appui scientifique.
Il a servi de base à une proposition que nous avons soumise, il y a un an, à la Mairie de Marseille.
Un des hommes les plus autorisés en matière hydraulique, M. Dumont, ingénieur en Chef des Ponts-et-Chaussées, au­tour des eaux de Lyon et du projet de Nîmes, l'a adopté.
M. Dumont en a fait le pivot de ses études et de ses plans sur le changement des eaux du canal de Marseille, question considérable, en suspens, depuis plusieurs années, devant le Conseil municipal, et dont la solution technique, attendue avec impatience par toute une population, restée incertaine entre les systèmes de la décantation et de la filtration, se débat, au­jourd'hui, au sein d'une Commission d'ingénieurs.
Notre système est breveté. Nous nous en ferons un titre ; mais nous regardons à la fois, comme un droit et comme un devoir d'en propager l'idée, d'en vulgariser l'usage.
Les auteurs de ce travail sont de simples propriétaires, sans aucune prétention aux connaissances hydrauliques. Leur am­bition est simplement de révéler des faits d'expérience, d'en dé­duire le principe et les conséquences naturelles. De plus ha­biles les formulèrent et les appliqueront, selon l'art et la science.
Les auteurs sont persuadés que leur système peut s'étendre à tous les cours d'eau, grands et petits, généraux et parti­culiers, profiter à tout le monde, et, en résumé, qu'il contient des germes féconds, des éléments précieux de prospérité agri­cole pour l'Algérie.
Sous l'empire de cette pensée et du désir d'être utiles, ils le soumettent avec confiance à l'examen du Gouvernement gé­néral, des départements, des communes et des colons de l'Al­gérie, comme à la discussion des hommes spéciaux.
Pour les pouvoirs publics, c'est un moyen de satisfaire un immense intérêt, celui de l'agriculture, de doter la colonie de nouvelles et puissantes ressources de travail et de production ; pour les communes, peut-être, de se créer quelques revenus.
Quant à l'initiative individuelle, c'est un vaste champ ouvert à ses expériences et à ses spéculations; car elle trouvera, certainement, à faire de nombreuses et utiles applications de noue. système.

DE ST-PRIX, — A. BERARD — ET U. RANC,
Rue d'Isly 23 (bis).
Alger, le 25 avril 1869.
IMPRIMERIE CENTRALE ALGÉRIENNE. (USINE A VAPEUR.) --- E .GARAUDEL